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Frédérique DUPIN

Co-éduquer : parfois une activité artistique partagée vaut mieux que de longs discours…


J'aimerai aujourd'hui vous parler d'Alexis et de sa maman. Quand les adultes pratiquent la peinture avec les petits, ils ont parfois des automatismes non volontaires qui peuvent empêcher les enfants d'oser expérimenter et de profiter pleinement d'une première rencontre avec la matière.

Au début de l'atelier les parents me demandent souvent : "est-ce que c'est grave s'il mange de la peinture?" Ils se mordent les lèvres pour ne pas dire : "attention de ne pas te salir!", alors qu'ils ont prévu des vêtements qui ne craignent rien. "C'est plus fort que nous", me disent-ils. Cependant, au bout de 10 minutes , je les observe émerveillés, enchantés des explorations de leur enfant qu'ils découvrent "expérimentateur-chercheur" poussant de petits cris de joie devant ce plaisir archaïque.


Le projet collectif de Superpatouille :

On m’a prévenue : "tu vas voir Alexis il a de l’énergie à revendre !"

Alexis et sa maman participent tous les deux à un atelier de superpatouille. La maman se tient au bord de la toile de peintre horizontale, terrain de jeu collectif de Superpatouille alors que son fils joue au milieu avec et dans la peinture.

Elle se vit dans son rôle de maman dirigiste qui pose les limites arbitraires de ce qui est autorisé ou pas : ne court pas ! ne salit pas le bidon de peinture ! ne le tiens pas à l'envers! viens fais ton empreinte de main ! regarde ce que tu pourrais faire ! Attention tu vas glisser !

J'ai l'habitude de ce sas au début de l'atelier, de ces injonctions. J’invite doucement cette maman à faire pour elle-même plutôt que d’intervenir dans l’expérimentation de son fils. A ma surprise,elle y met le doigt, la main puis les pieds ! Elle ne se préoccupe bientôt plus de son fils mais de sa propre expérience de superpatouille. Elle verbalise son propre plaisir "c'est drôle, c'est mouillé, ca glisse drôlement !" Elle éprouve avec ses sens ce qu'elle observait avec ses yeux, elle est ravie. L'atelier est terminé et tous les autres enfants sont déjà lavés et dans leur poussette tandis que j'éteins la musique pour que la maman et son fils sortent du grand bain de peinture. Mais ils se suivent, rient aux éclats , glissent, se tiennent les mains et se patouillent , changent de sens, tout au bonheur de cette activité partagée. La maman a quitté sa posture de contrôle pour accompagner et partager l’activité, elle s’émerveille du mélange des couleurs : " va chercher le bleu et le rouge, regarde on mélange avec nos pieds cela fait du violet !" L'adulte vit de l'intérieur l'expérience de l'enfant et c'est tous les deux qu'ils se lavent les pieds dans la bassine.

Le projet partagé des adultes et des enfants :

2 semaines plus tard je retrouve Alexis et sa maman ; c’est le moment de peindre la fresque collective sur le mur extérieur du RAM pour le rendre visible , narratif et joyeux.

Alexis et sa maman sont au rendez-vous.

Cette fois Ils peignent chacun leur espace, chacun à leur hauteur, chacun avec son outil : un rouleau à grand manche pour l'occasion. La maman peint le haut du mur avec les adultes et son fils le bas avec les copains de son âge ! La maman exprime son plaisir, elle adore ça, elle demande l’heure car elle doit partir au travail après, le temps passe trop vite ! "Si je me salis ce n’est pas grave, ça partira à la machine à laver !"

J'en conclus que c'est gagné au niveau de la liberté d'action, de mouvement, de parole et même de la propreté!

Le groupe est porté par l'enthousiasme du binôme mère-fils:

Alexis dépasse les limites, il quitte le mur pour suivre avec son rouleau le trajet des fourmis sur le sol. Il communique au groupe son intérêt pour le minuscule, montre un enthousiasme contagieux et nourrit le groupe des enfants des mots serpents, mer, fourmis, cagots (escargots ) qui sont repris par les copains. D'autres enfants roulent la peinture verte des algues au delà de la limite fixée par les adultes mais personne n'y prête attention et je passe discrètement avec mon éponge. Il n'y a pas de bêtise juste une concentration collective pour son exploration individuelle.

Les discussions des adultes portent plutôt sur les expériences, les souvenirs de peinture des uns et des autres au cours de leur enfance, à l'école , le bonheur de la vie en extérieur , dans les jardins, de la liberté de se déplacer en vélo, de jouer avec la glaise et de ne prendre qu'un bain par semaine !

Transfert du projet collectif au projet familial : créer sa mythologie familiale

C'est à ce moment que la maman d'Alexis m'interpelle et me dit:

"Vous savez Frédérique, après l'expérience de superpatouille , je me suis fait plaisir! J’ai acheté des pinceaux ,des feuilles, des rouleaux, de la peinture et nous peignons tous les deux, on adore ça!

Avec mon fils nous sommes des artistes et Alexis dit toujours qu’il fait des cacas marron mais il faut le laisser faire non ?"

Élargir le chemin d'exploration à la découverte d'un univers culturel: des photos, des images, des histoires, des supports.

"Oui , il faut donner aux enfants l’appétit de vivre pour que vienne celui d’apprendre !"

Je lui propose deux pistes pour soutenir et faire vivre son projet à la maison :

  • Ne pas hésiter à collecter des supports et des outils de récupération (carton, plastique, tissu…) qui ont l’avantage d’être gratuits, jetables et de ne pas induire de pression quand au résultat.

  • Se constituer un fond artistique pour le plaisir des yeux et le développement du goût et de la personnalité (reproductions découpées dans les journaux, cartes postales, livres de bibliothèques, nuancier de couleurs)

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